[PARIS] Sports et médias : quelles règles du jeu ?
Sports et médias, un couple inséparable ?
Certainement. Au point que ce sont les médias eux-mêmes qui imposent souvent des modifications des règles du jeu sportif pour attirer toujours plus de monde, faire grimper l’audimat, et en recueillir une partie des bénéfices… parfois au détriment des sports eux-mêmes ?
Nées avec les sports modernes à partir du milieu du XIXe siècle dans le monde occidental, les règles du jeu sportif ne consistaient pas uniquement en un ensemble de pratiques de jeu, mais servaient également à édicter des valeurs et des codes de conduite propres à l’esprit du temps.
C’est également durant cette période que naissent les grands journaux à fort tirage dont certains relatent parfois des événements sportifs. Mais le sport, et notamment le cyclisme, vont faire leur réelle apparition dans la presse avec les premiers journaux consacrés exclusivement aux sports. Ainsi naissent Le Vélo en 1892 puis L’Auto-Vélo en 1900.
Dès les débuts de la « médiatisation » du sport, les différents acteurs concernés semblent y trouver leur compte : l’industrie du cyclisme se fait connaître alors que les journaux spécialisés attirent toujours plus de lecteurs et initient les grandes compétitions autour des années 1900. C’est ainsi que naît le Tour de France en 1903, à l’initiative du journal L’Auto-Vélo.
Quarante-cinq ans après, en 1948, la télévision française vient à peine de naître que ce même Tour de France arrive en direct dans les quelques foyers français disposant d’un poste de télévision. Il s’agit là d’une étape décisive dans l’histoire des relations entre sports et médias : l’arrivée de la télévision dans la vie du sport.
Nouvelles technologies et baisse des coûts obligent, la télévision entre rapidement dans un grand nombre de foyers français à partir des années 60 avec son lot d’images de spectacles et d’actualités. Le sport va alors faire partie du Paysage Audiovisuel Français et, réciproquement, les caméras de télévision vont s’intégrer dans le paysage des stades et terrains de sport.
Car, le spectacle sportif passe bien à la télévision : il attire les téléspectateurs, fait monter l’audimat et attire donc les annonceurs publicitaires autorisés à se faire voir à la télévision depuis les années 1960. Pour leur part, les clubs et les fédérations sportives, ainsi que le Comité International Olympique, vont progressivement dépendre de la télévision et de la manne financière gigantesque qui en découle.
Mariage de raison ou mariage d’amour ? Chacun des acteurs de ce grand jeu économique et financier a besoin de l’autre pour vivre, tant le spectacle du sport attire toujours un plus grand nombre de passionnés devant leurs petites lucarnes.
Cependant, cette dépendance ne va pas sans susciter de nombreuses inquiétudes dans le monde du sport : certains sports détiennent un monopole et sont quasi omniprésents sur les chaînes de télévision, au détriment d’autres sports, ignorés ou peu retransmis car pas suffisamment spectaculaires ou télégéniques, alors que d’autres disciplines pas suffisamment « sexy » se voient parfois contraintes de modifier leurs règlements pour passer à la télévision, faire de l’audimat et, ainsi attirer les sponsors…
Le saviez-vous ?
TENNIS – La règle du “tie-break” en tennis, introduite en 1971, constitue probablement l’exemple, quasiment archétypal, des modifications de règlements dues à l’influence des exigences imposées par les retransmissions
télévisuelles en direct. En effet, le tiebreak permet de mieux contrôler la durée des rencontres en supprimant l’obligation de clôturer un set par minimum deux jeux d’écart.
VOLLEY – Le Rally Point System a été mis en place en 2000 partout dans le monde : dorénavant, tous les échanges donnent des points. La durée de jeu s’en trouve diminuée et limitée et le volley, dont ce n’est pas la première modification de règlement, devient ou espère devenir, plus “formaté” aux exigences de la télévision.
TIR À L’ARC – À partir des quarts de finale d’une compétition, on assiste à des tirs alternés. A ce stade de la compétition, chaque concurrent tire trois flèches, puis cède le relais. Et cela six fois d’affilée, afin d’adapter ce sport à un rythme télévisuel, d’en faire un spectacle plus cohérent permettant au spectateur de suivre et de connaître les points au fur et à mesure.
TENNIS DE TABLE – Augmentation de la dimension de la balle en tennis de table pour plus de visibilité à la télé.
BEACH VOLLEY FÉMININ – Les femmes ont obligation de porter des maillots de bain très moulants. Une règle imposée par la télévision pour rendre ce sport plus “sexy”, donc adapté aux exigences télévisuelles.
FOOTBLALL AMÉRICAIN – Apparition de “l’homme orange”, dont le rôle est de signaler aux arbitres le moment
de l’interruption du jeu pour permettre la diffusion de messages publicitaires.
ESCRIME – Apparition de la visière transparente afin de rendre ce sport plus “télégénique”.
J.O. DE SÉOUL – En 1988, la majorité des finales se sont déroulées en matinée ou à midi pour qu’elles coïncident avec les heures de grande écoute aux États-Unis, grands “payeurs” de droits télévisés et donc (très) exigeants. Or, on sait “que le matin, les sportifs de haut niveau ne réalisent pas les mêmes performances.
Les intervenants
David GARCIA est journaliste d’investigation, diplômé de l’IEP de Grenoble et du Centre de formation des journalistes (CFJ) de Paris. Après avoir travaillé quelques années au groupe L’Express-L’Expansion puis à Liaisons sociales, au Monde initiatives, à Libération et aux Échos, il est aujourd’hui journaliste indépendant et écrit entre autres pour Terra Economica, qui correspond mieux à son engagement. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages d’investigation : Multinationales 2005, le guide des multinationales, Le pays où Bouygues est roi et La face cachée
de L’Équipe.
Daniel RIOLO, journaliste sportif spécialisé dans le football. Il débute sa carrière de journaliste à la station parisienne Sport FM puis travaille pour les antennes de Radio France (France Inter et France Info). En 2004, RMC l’engage pour suivre exclusivement le Paris Saint-Germain lors de décrochages régionaux. Le CSA met fin à l’expérience 3 mois plus tard. Daniel Riolo collabore sur RTL dans des émissions comme “On refait le match” ou “RTL Foot” de Christophe Pacaud. En avril 2006, il rejoint l’équipe de l’“After Foot” sur RMC en tant que chroniqueur. À la rentrée 2007, il devient animateur à part entière sur RMC dans le grand show du soir, “L’After”.
La première chose sur laquelle on fait beaucoup d’erreurs, c’est qu’on croit que la liberté d’information, le droit à la liberté de la presse, c’est un droit du journaliste. Mais pas du tout, c’est un droit du lecteur du journal. C’est-à-dire que ce sont les gens, les gens dans la rue, les gens qui achètent le journal, qui ont le droit d’être informés. Ce sont les gens qui travaillent dans une entreprise, dans un chantier, dans un bureau qui ont le droit de savoir ce qu’il se passe et d’en tirer les conséquences.
Jean-Paul Sartre, 1973
Sports et médias : quelles règles du jeu ?
un Café Actu-Médias organisé par l’association Thucydide
Intervenants
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Daniel RIOLO
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David GARCIA