[PARIS] Le terrorisme : histoire, formes, médiatisation

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Arnaud BLIN, Julien FRAGNON : Histoire du terrorisme - Café Histoire

[PARIS] Le terrorisme : histoire, formes, médiatisation

L’histoire du terrorisme est bien plus ancienne que ce que nous pensons. Connaître cette histoire permet de ne pas tomber dans des clichés réducteurs et simplistes.

Ce troisième Café Histoite de l’association Thucydide aborde un sujet, certes d’actualité, mais qui plonge ses racines dans l’histoire, comme tout ce qui fait « actualité, d’ailleurs…
Ci-dessous, vous trouverez une présentation de l’intervenant, Arnaud BLIN, sa bibliographie, ainsi qu’une avertissement, puis des définitions, et enfin, le compte rendu succinct de ce Café sur l’histoire du terrorisme.

Les intervenants

Arnaud BLIN- Histoire du terrorisme - Café-HistoireArnaud BLIN est spécialiste de géopolitique et de politique américaine (il a vécu durant trente ans aux États-Unis). Il a étudié les sciences politiques et l’histoire des religions à l’Université Georgetown et Harvard. Ancien directeur du Centre Beaumarchais de Washington et ancien chercheur à l’Institut diplomatie et Défense (Paris), Arnaud BLIN est actuellement chercheur à l’École de la paix de Grenoble : www.ecoledelapaix.org

Julien FRAGNONJulien FRAGNON, doctorant en sciences politiques à l’université Lumière Lyon 2.
Julien Fragnon est intervenu dans le cadre de ce Café Histoire, après avoir participé à la rédaction du dossier Le terrorisme : histoire, formes, médiatisation sur le site de l’association Thucydide.

 


Avertissement, par Patrice Sawicki, fondateur et organisateur des Cafés Histoire

Histoire du terrorisme - Café-HistoireQue ce soit à travers les médias* ou à travers ce que nous avons réellement vécu ou redoutons de vivre à titre individuel, le terrorisme* est présent dans nos esprits. Il suscite la peur, l’angoisse, la méfiance, la défiance. Bref, il exerce son pouvoir de nuisance auprès des populations civiles, ce qui est généralement l’un de ses principaux objectifs.

Malgré les attentats du 11 septembre 2001, il ne faut pas oublier que le terrorisme fait partie du « paysage politique » de nombreuses sociétés depuis plusieurs siècles ; bien avant les islamistes, qu’ils soient Frères musulmans, djihadistes salafistes, Chiites du Hezbollah ou fondamentalistes du Hamas, il y eut d’autres mouvements, religieux ou non, qui suscitèrent également… la terreur. L’ère des médias de masse reposant sur l’image et la répétition (info en continu, info en direct, info-spectacle) ne fait qu’amplifier la peur suscitée par ces actions.

Selon les périodes et le contexte, il y eut les Zélotes*, les « Assassins* » du XIIe siècle, les anarchistes et nihilistes de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, les groupes nationalistes fascistes, ainsi que les résistants français, qualifiés de terroristes par Vichy et les troupes d’occupation allemandes, l’Irgoun et le groupe Stern en Palestine, le FLN algérien, l’OAS, les Brigades Rouges, Action Directe, l’OLP, le FPLP, l’IRA, les Tigres Tamouls, etc, etc. La plupart, bien sûr, n’acceptèrent pas le qualificatif de « groupes terroristes », se considérant comme des mouvements en lutte pour divers motifs.
L’Histoire du terrorisme est donc multiforme et complexe, chaque groupe utilisant cette « arme du pauvre » à des fins différentes, dans le cadre de conflits généralement asymétriques*. C’est à la fois une arme politique, « militaire » et communicationnelle. Connaître les motivations de ces groupes dans l’Histoire, ainsi que les raisons de leur disparition pour certains, peut nous permettre de prendre du recul par rapport à l’actualité et ainsi nous aider à mieux saisir ce que nous vivons aujourd’hui.

Saisir, comprendre, savoir et connaître : ce sont là les outils qui nous aideront à ne pas tomber dans les pièges de la simplification et des clichés réducteurs.


Des mots pour comprendre

Conflit asymétrique : désigne une lutte entre deux entités qualitativement différentes au niveau des méthodes d’actions, de la culture politique ou de l’objectif. Ce combat oppose de manière générale un État à une organisation privée (un groupe terroriste par exemple) qui utilise alors une stratégie indirecte/non militaire pour affaiblir son adversaire étatique et compenser ainsi le déséquilibre militaire.

Cyberterrorisme : attaque (au moyen de virus ou de vers, autre formes de virus) des systèmes informatiques d’un pays, par contournement des systèmes de sécurité, pour les contrôler ou les rendre inefficients.

Médias : accusés d’amplifier l’audience des terroristes (dont la logique de communication est consubstantielle à l’acte terroriste), les médias nouent avant tout une relation antinomique avec le terrorisme. Si les actions terroristes rencontrent les vecteurs d’efficacité de l’outil médiatique (théâtralisation de l’attentat et de ses acteurs, victimisation, symbolique de la mort), les médias sont également contraints par leur relation à l’Etat (discours de cohésion sociale face à la menace terroriste, censure pour garantir l’efficacité de la lutte anti-terroriste).

Stratégie indirecte : moyens d’actions non militaires (attentats, assassinats de dirigeants, actes de guérilla) utilisés par un protagoniste lors d’un conflit.

Terreur : renvoie à la politique révolutionnaire menée entre le 5 septembre 1793 et le 27 juillet 1794 qui constituera la première apparition du terme « terrorisme ». Elle correspond à l’usage systématique de la terreur à des fins politiques par l’appareil d’Etat (massacres à grande échelle en Vendée, exécutions d’adversaires politiques). Cette période a fait entre 200 et 300 000 victimes en moins d’une année.

Terrorisme :  séquence d’actes de violence, planifié et fortement médiatisé, prenant délibérément pour cibles des objectifs non militaires afin de créer un climat de peur et d’insécurité, d’impressionner une population et d’influencer ses décideurs afin de modifier le processus décisionnel et de satisfaire à des objectifs (politiques, économiques ou criminels) prédéfinis.

Terrorisme d’État : usage de la violence perpétré par un État contre sa population ou une population étrangère. Cette violence tire sa force et sa légitimité (fondée sur la légalisation de la violence) de la puissance de l’appareil d’État (contrairement au terrorisme non étatique) tout en conservant des logiques similaires (instillation de la terreur parmi la population, enlèvements, assassinats ciblés et/ou aléatoires).

Zélotes : secte juive rigide qui constitue la première manifestation historique du terrorisme (Palestine, 1er siècle après J.C.) par son utilisation systématique de la terreur. Elle luttait contre l’influence romaine et pour imposer une pratique religieuse pure.


Compte rendu du Café Histoire sur l’histoire du terrorisme, de ses formes et de sa médiatisation

Intervention d’Arnaud Blin
Le terrorisme est une technique de terreur, employée pour contester, déstabiliser ou s’emparer d’un pouvoir. C’est  une guerre en dehors de toute ritualisation ou tout droit. Le contexte y est plus important que l’acte lui-même, acte dont l’effet psychologique est inversement proportionnel aux moyens physiques employés. En prenant l’exemple du 11 septembre : au delà des pertes humaines et matérielle, la conséquence pour les américains est surtout la perte du sentiment d’invulnérabilité.

Les mouvements terroristes émergent dans des périodes de changements géopolitiques importants. Très peu sont parvenus à leurs fins, leur prise du pouvoir dépendant en réalité de circonstances extérieures. Leurs cibles sont les civils, qu’ils soient dirigeants ou citoyens.

Malgré la prolifération des Armes de Destruction Massives, l’utilisation de celles-ci reste difficile pour ces groupes, et en outre elle ne leur est pas nécessaire. Ils préfèreront s’attaquer avec peu de moyens à des points sensibles non protégés, des cibles inattendues.

Intervention de Julien Fragnon

L’acte terroriste est structurellement fait pour être médiatisé. C’est un acte de communication, une violence frappant par le biais de sa publicité. En ce sens, les médias jouent le jeu des terroristes. Néanmoins ils ont aussi un intérêt convergent avec l’Etat, dans la régulation symbolique qu’ils font de cette violence affichée. En effet la médiatisation sert à dégager une cohésion nationale, un consensus construit en opposition à ces actes.

Discussion avec le public

-Quelle est la différence entre le terrorisme D’État et celui des groupuscules? La Russie n’emploie-t-elle pas un véritable terrorisme contre la Tchétchénie, en rasant des villages entiers?
A.B. – Le terrorisme d’État dispose de moyens comparativement énormes. De plus il dispose de la légitimité, de la légalité.

-Peut-on parler de terrorisme économique, comme dans le cas d’un embargo?
A.B. -Au sens strict, le terrorisme est un acte de violence directe, de destruction.

-Dans le livret de présentation sont mis sur le même plan l’attentat de 1946 de l’Irgoun, qui touchait des services de renseignement et qui avait été annoncé par cette organisation, avec l’attentat palestinien de 1973 contre des civils. Est-ce légitime ?
J.F. – Le terme « terroriste » est un terme stratégique, utilisé pour délégitimer un groupe. Inversement, la prise de pouvoir réussie tend rétrospectivement à rendre légitimes les actions antérieures d’un groupe.
A.B. – Il faut distinguer les actes touchant des cibles combattantes et non combattantes. Mais plus généralement, on peut soit tenir tout acte terroriste mauvais en soi, soit estimer que la fin peut justifier les moyens. En ce sens, les mouvements de libération nationale qui  sont finalement victorieux sont légitimés par l’Histoire.

-Les attentats contribuent-ils réellement à diffuser les idéaux des terroristes?
A.B. – Tout groupe terroriste est basé sur une idéologie, une représentation du monde, d’ailleurs souvent approximative. Cette idéologie définit leur objectif politique, alors que les attentats ne sont pour eux qu’un moyen intermédiaire, technique, de pression.
J.F. – À travers le 11 septembre, l’objectif d’Al Quaïda était de susciter une répression sur les populations musulmanes, pour déclencher par contrecoup leur révolte générale. La destruction des tours jumelles était « sans idéologie », sans message en plus, elle se suffisait à elle-même.
A.B. -Le message implicite est de tenter de décrédibiliser la capacité de l’État à protéger ses citoyens.

-Les prises d’otages, et leur mise à mort, est-elle un phénomène nouveau?
A.B. – La prise d’otage, à cause de sa difficulté, implique a priori la volonté de négocier. Mais de la part des terroristes c’est une démarche très peu réaliste, et plutôt en régression.

-Que peuvent faire les médias? Doivent-ils cesser de parler des attentats?
A.B. – Non, mais ils peuvent changer leur manière d’en parler, analyser, mettre en perspective. Mais si les médias changeaient, sans doute les terroristes s’adapteraient aussi.
J.F. – Les médias doivent éviter d’entretenir un climat de menace globale.

-Les médias peuvent-il rétablir l’équilibre en parlant aussi de l’action de l’État?
J.F. – Dans le cas du terrorisme, la majorité des actions de l’État doivent rester secrètes pour être efficaces.

-Y-a-t-il des collusions entre les différents groupes terroristes?
A.B. – C’est possible quand ces groupes ont des objectifs proches, ou du moins des idéologies parallèles. C’étaient le cas des groupes marxistes anticolonialistes des années 70. Aujourd’hui la situation est différente : des moudjaïdines, formés en Afghanistan, sont dispersés et forment un réseau diffus en Moyen-Orient.

-Quelle est la situation en Asie centrale?
A.B. – Il s’agit d’États autoritaires, il est difficile de faire la part entre les attentats eux-mêmes et les manières dont les gouvernements les instrumentalisent.

-Les conséquences des attentats de Madrid montrent-ils qu’Al Quaïda détient un pouvoir politique?
.B. – Les attentats ont entraîné le retrait, plutôt symbolique, des forces espagnoles d’Irak. Ils ont éventuellement modifié le résultat des élections. Mais en aucun cas il n’ont réalisé un renversement du pouvoir.
J.F. – Même si un attentat terroriste à des effets psychologiques importants, il n’a jamais par lui-même de conséquence vitale sur un État.

-Pourtant l’attentat de Sarajevo a bien déclenché la Première Guerre Mondiale.
J.F. – Les acteurs de cet attentat défendaient simplement la cause serbe, mais ils ont déclenché des facteurs qui les dépassaient. De même, le 11 septembre pourra avoir des conséquences à long terme importantes, mais qui sont imprévisibles. Les terroristes ne peuvent pas avoir idée de l’impact global des actions qu’ils effectuent. Ils ont souvent d’ailleurs eux-mêmes une mauvaise vision du contexte, des aspirations utopiques.

-Doit-on craindre Al Quaïda en France?
A.B. – Même s’il n’y a pas eu d’attentat en France depuis 1996, les terroristes tablent sur cette peur même, qui constitue leur pouvoir.

Documentation

Télécharger le livret documentaire distribué lors de ce Café Histoire
(Bibliographie sélective ; Documentaires vidéo et films ; dans les médias ;
lexique ; carte ; chronologie)

Le terrorisme : histoire, formes, médiatisation - Café Histoire avec Arnaud Blin


Le terrorisme : histoire, formes, médiatisation,
un Café Histoire organisé par l’association Thucydide

Cafés Histoire - Association Thucydide Cafés Théma

Date

12 janvier 2005

Heure

19 h 30 - 21 h 30
Catégorie

Intervenants

Prochain Événement

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