[PARIS] Il y a 100 ans, les accords Sykes-Picot
Il y a 100 ans, en mai 1916, un accord secret, dit « Accords Sykes-Picot », était conclu entre la Grande-Bretagne et la France pour se partager les provinces arabes de l’empire ottoman.
Les territoires situés en Irak (Mésopotamie), Syrie, Palestine et Transjordanie étaient ainsi redistribués et remodelés par les deux puissances européennes.
Voici comment Henry LAURENS, professeur au Collège de France, spécialiste de l’histoire du monde arabo-musulman, décrit les accords Sykes-Picot dans un article intitulé « Les ravages d’une guerre arbitraire. Comment l’Empire ottoman fut dépecé » (Le Monde Diplomatique, Avril 2003) :
Un certain nombre d’esprits romantiques du Caire, dont le plus célèbre sera T. E. Lawrence, le futur Lawrence d’Arabie, misent sur une renaissance arabe qui, fondée sur l’authenticité bédouine, se substituerait à la corruption ottomane et au levantinisme francophone. Ces bédouins, commandés par les fils de Hussein, les princes de la dynastie hachémite, accepteront naturellement une tutelle britannique « bienveillante ». Londres leur promet bien une « Arabie » indépendante, mais par rapport aux Ottomans. De leurs côtés, les Français veulent étendre leur « France du Levant » à l’intérieur des terres et construire ainsi une « grande Syrie » francophone, francophile et sous leur tutelle.
Comment fixer les limites entre l’Arabie britannique et la Syrie française ? La négociation est confiée au Français François Georges-Picot et à l’Anglais Mark Sykes.
Elle dure plusieurs mois, reflétant l’évolution des rapports de forces, et se conclut en mai 1916 par un échange de lettres entre l’ambassadeur de France à Londres, Paul Cambon, et le secrétaire au Foreign Office, Edward Grey. Les Français administreront directement une zone allant du littoral syrien jusqu’à l’Anatolie ; la Palestine sera internationalisée (condominium franco-britannique de fait) ; la province irakienne de Basra et une enclave palestinienne autour de Haïfa seront placées sous administration directe des Britanniques ; les Etats arabes indépendants confiés aux Hachémites seront partagés en deux zones d’influence et de tutelle, l’une au nord confiée aux Français, l’autre au sud aux Britanniques. La ligne dite Sykes-Picot, qui divise le Proche-Orient, doit aussi permettre la construction d’un chemin de fer britannique de Bagdad à Haïfa. Russes et Italiens donnent leur approbation à cet accord, dont les Hachémites ne sont informés qu’en termes voilés et confus.
Durant l’été 2014, les islamistes de DAESH « abolissent » la frontière séparant l’Iraq de la Syrie, mettant ainsi symboliquement fin aux « accords Sykes-Picot » de partage décidé un siècle plus tôt par les puissances occidentales.
A l’occasion du centenaire de ces accords de partage – dont nul n’aurait parlé si le groupe islamiste DAESH ne l’avait pas remis en question -, les Cafés Histoire de l’association Thucydide ont eu le plaisir d’inviter Henry LAURENS pour venir évoquer une histoire qui fait l’actualité, et une actualité dont on ne pourrait pas comprendre le sens sans l’aide de l’histoire.
Vidéo
Captation et montage : Clémentine Anquetil
L’intervenant
Docteur d’État et agrégé d’histoire, Henry LAURENS est reconnu comme l’un des grands spécialistes du Moyen-Orient. Professeur au Collège de France et à l’INALCO, il a par ailleurs été directeur du Centre d’études et de recherches sur le Moyen-Orient Contemporain (CERMOC) à Beyrouth puis directeur scientifique de l’Institut Français du Proche-Orient (IFPO). Henry Laurens s’intéresse notamment à l’étude, sur la longue durée, des relations entre Israël et le monde arabe. En 2004, il a reçu le Prix Joseph du Theil de l’Académie des Sciences morales et politiques, ainsi que le Prix de l’amitié franco-arabe de l’Association de solidarité franco-arabe.
Bibliographie sélective
- Aux sources de l’orientalisme, La Bibliothèque Orientale de Barthélemi d’Herbelot, Paris, Maisonneuve et Larose, 1978.
- Les origines intellectuelles de l’expédition d’Égypte. L’orientalisme islamisant en France (1698-1798), Istanbul Paris, Isis, 1987. traduit en arabe en 1999.
- Kléber en Égypte, Kléber et Bonaparte, Le Caire, IFAO., 1988.
- L’expédition d’Égypte, Paris, Armand Colin, 1989.
- Le Royaume impossible, la France et la genèse du monde arabe, Armand Colin, 1990. Traduction en arabe en 1998.
- Le Grand Jeu, Orient arabe et rivalités internationales, Armand Colin, 1991.
- Lawrence en Arabie, Gallimard-Découvertes, Paris, 1992.
- L’Orient arabe, Arabisme et islamisme de 1798 à 1945, Paris, Armand Colin, 1993. Réédition avec mise à jour en 2000.
- Le retour des exilés, la lutte pour la Palestine de 1869 à 1997, Paris, Bouquins, Robert Laffont, 1998.
- Paix et guerre au Moyen-Orient, l’Orient arabe et le monde de 1945 à nos jours, Paris, Armand Colin, 1999.
L’Orient arabe à l’heure américaine, Paris, Armand Colin, 2004. Traduction arabe Le Caire 2005. - Orientales I, Autour de l’expédition d’Égypte, CNRS-Editions, 2004.
- Orientales II, La IIIe République et l’Islam, CNRS-Editions, 2004.
- Orientales III, Parcours et situations, CNRS-Editions, 2004. Les trois volumes ont été réunis en un seul en 2007 chez le même éditeur.
- L’Empire et ses ennemis, La question impériale dans l’histoire, Paris, Seuil, 2009.
- Henry Laurens, John Victor Tolan, et Gilles Veinstein, L’Europe et l’islam, quinze siècles d’histoire, Paris, 0dile Jacob, 2009.
Source : http://www.college-de-france.fr/site/henry-laurens/Bibliographie.htm
Documentation
Télécharger le livret documentaire distribué lors de ce Café Histoire
(Portraits ; cartes ; webographie)
Il y a 100 ans, les accords Sykes-Picot,
un Café Histoire organisé par l’association Thucydide
Intervenants
-
Henry LAURENS