[PARIS] Le journalisme sur Internet
Beaucoup de questions sur le journalisme sur Internet, sa croissance et son devenir, avec des spécialistes de l’information.
- Quel est le modèle économique de la presse internet (abonnement ? publicité ? etc.) ?
- Le journalisme-citoyen est-il un mythe ?
- Les blogs peuvent-ils être considérés comme une forme de journalisme ?
- Le journalisme sur internet est-il le moyen d’aborder les sujets que l’on ne voit plus ailleurs (investigation, Europe, etc.) ou de couvrir l’actualité sous un angle différent ?
Les intervenants
Pascal RICHÉ, fondateur et rédacteur en chef de Rue 89, a débuté sa carrière de journaliste chez Ouest-France et à La Tribune de l’Économie. Il rejoint Libération en 1989, au service Économie. Il dirigera le service pendant quatre ans. En 2000, il part à Washington pour suivre la campagne présidentielle. Il tiendra donc aussi sur le web de Libération un « Carnet de campagne de l’élection présidentielle américaine » : le blog « La course à la maison blanche »,
deviendra ensuite « À l’heure américaine ». Après six ans passés aux États-Unis, il revient à Paris et prend la suite de Jean-Michel Helvig et devient rédacteur en chef adjoint, en charge des pages Rebonds, rubrique qui se dotera aussi d’un blog, « Mon oeil! ». (Source : www.observatoiredesmedias.com)
Nicolas BEAU, rédacteur en chef de Bachkich.info, Nicolas BEAU, est diplômé de l’IEP Paris. Il a été journaliste
au Quotidien du Médecin, au Monde, à Libération, à l’agence Capa, au Nouvel économiste, à L’Expansion et au Canard Enchainé. Directeur de la rédaction de Bakchich.info depuis décembre 2007.
Édito d’Eddy FOUGIER, co-organisateur des Cafés Médias
Les attentats de Bombay à l’agenda des médias
Fin octobre 2008, attentats spectaculaires en Inde. Douze attentats quasi simultanés dans l’État séparatiste de l’Assam font plusieurs dizaines de morts. L’intérêt des médias français est cependant plutôt faible. En tout cas, ces attentats sont loin de faire la « une » de la presse et l’ouverture des journaux radio et télévisés. Fin novembre 2008, autres attentats spectaculaires en Inde, à Bombay cette fois. Ils font 172 morts. A la différence des premiers, ces attentats font la « une » du « Monde », du « Figaro » ou de « Libération », ainsi que l’ouverture des journaux radio et TV en France. Comment expliquer cette différence de traitement ?
En premier lieu, une information, cela doit être quelque chose de neuf et d’extra-ordinaire au sens strict du terme. Or, un voire plusieurs attentats simultanés à la voiture piégée ou des bombes qui explosent près d’un marché, comme ce fut le cas dans l’État de l’Assam, cela n’est malheureusement pas un phénomène très inédit. Aujourd’hui, les attentats de ce type en Irak font à peine l’objet d’une brève. En revanche, des commandos d’hommes armés qui se déploient dans la ville et tirent sur la foule ou prennent des otages dans des lieux publics (gare, hôtels de luxe, café, multiplexe cinématographique, centre juif, etc.), cela constitue un mode opératoire semble-t-il plus original.
Par ailleurs, une information se doit d’être compréhensible aux yeux des lecteurs ou des téléspectateurs. Or, elle l’est d’autant plus s’ils peuvent s’y intéresser et même se sentir concernés. Cela sera en particulier le cas lorsqu’ils sont susceptibles de s’identifier au sort des victimes à partir du moment où ils considèrent que les victimes sont des « gens comme nous » ou que cela aurait pu très bien être eux ou quelqu’un qu’ils connaissent. Il est ainsi assez symptomatique que, dans les premières heures de ces événements, les journalistes se soient empressés de demander aux correspondants à Bombay si, parmi les victimes ou les personnes enlevées, il y avait des Français ou des Européens, c’est-à-dire de façon un peu « crue », des « gens comme nous » ou que l’on pourrait connaître. L’intérêt des médias occidentaux pour ces attentats provient donc largement du fait que figuraient parmi les victimes près d’une trentaine d’étrangers et qu’à un moment donné, de nombreux étrangers aient été pris en otage. Les terroristes le savent bien d’ailleurs. Ce n’est certainement pas fortuit s’ils ont décidé d’agir dans un quartier touristique de Bombay. Leur objectif était entre autre de viser des Occidentaux afin que leur action puisse avoir un écho international.
On peut voir à travers cet exemple un double aspect fondamental du traitement de l’information par les médias. Le premier est la capacité des médias à pouvoir mettre en lumière un sujet et ainsi attirer l’attention du public et laisser un autre sujet dans l’ombre. C’est ce que l’on appelle l’effet d’agenda des médias. Ils ont la capacité de donner une grande place aux attentats de Bombay et une place modeste aux attentats dans l’Assam. Le second est la raison principale qui amène les médias à privilégier un sujet au détriment d’un autre, à savoir le principe de proximité qui semble régir la sélection et la hiérarchisation des informations par les rédactions. Celles-ci partent du principe selon lequel le public ne va s’intéresser à une information qu’à partir du moment où, d’une manière ou d’une autre, il va se sentir concerné. En l’occurrence, elles sont donc parties du principe selon lequel des Indiens qui tuent d’autres Indiens pour des raisons jugées obscures (séparatisme de l’Assam), cela ne va pas intéresser le public, mais qu’en revanche, des ressortissants d’Asie du Sud qui s’en prennent à des Occidentaux parce qu’ils sont Occidentaux et a fortiori à des Français, là, cela va intéresser le public ou, du moins, susciter quelque peu sa curiosité.
La première chose sur laquelle on fait beaucoup d’erreurs, c’est qu’on croit que la liberté d’information, le droit à la liberté de la presse, c’est un droit du journaliste. Mais pas du tout, c’est un droit du lecteur du journal. C’est-à-dire que ce sont les gens, les gens dans la rue, les gens qui achètent le journal, qui ont le droit d’être informés. Ce sont les gens qui travaillent dans une entreprise, dans un chantier, dans un bureau qui ont le droit de savoir ce qu’il se passe et d’en tirer les conséquences.
Jean-Paul Sartre, 1973
Le journalisme sur Internet,
un Café Actu-Médias organisé par l’association Thucydide
Intervenants
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Nicolas BEAU
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Pascal RICHÉ