[PARIS] La souffrance éthique au travail
Penser la souffrance éthique au travail, une nécessité au 21e siècle
Rappels utiles sur le concept de souffrance éthique
- L’éthique : Tirée du mot grec « ethos » qui signifie « manière de vivre », l’éthique est une branche de la philosophie qui s’intéresse aux comportements humains et, plus précisément, à la conduite des individus en société.
- Souffrance éthique : Pour Christophe Dejours, les termes de « souffrance éthique » désignent « la souffrance qui résulte non pas d’un mal subi par le sujet, mais celle qu’il peut éprouver de commettre, du fait de son travail, des actes qu’il réprouve moralement. (Christophe Dejours, Souffrance en France, 1998, cité in « Histoire et actualité du concept de souffrance éthique« , de Duarte Rolo, revue Travailler 2017/1 (n° 37), pages 253 à 281)
La question éthique recoupe les préoccupations de la clinique du travail, et plus particulièrement de la psychodynamique du travail, qui étudie l’impact des nouvelles organisations du travail sur la santé mentale et l’orientation de l’agir – coopératif ou stratégique – de l’individu.
La souffrance éthique au travail, Café Citoyen Santé Travail avec le philosophe Éric HAMRAOUI
Cette question recèle dans ses plis un certain nombre de questions philosophiques qui restent à construire dans une perspective non pas morale, mais ontologique, en nous situant résolument du point de vue de la vie, comme vouloir du multiple et de la différence.
Aussi, la question dont nous traiterons ne sera-t-elle pas celle de l’analyse des conditions éthiques de la préservation de la santé au travail mais celle de la définition des modalités d’accomplissement ou d’écrasement de la vie sur cette même scène.
Notre point de vue sera celui d’une philosophie centrée sur un sujet dont la maîtrise se trouve perpétuellement tenue en échec par le réel du travail, immanente à la clinique du travail, Plusieurs questions philosophiques potentielles révélées par la clinique du travail retiendront plus particulièrement notre attention : tout d’abord, et principalement :
- celle des rapports entre peur, risque, éthique et santé ;
- celle des implications anthropologiques de la redéfinition des vertus opérée dans le nouveau rapport de travail, en nous appuyant sur l’exemple du courage ;
- celle de l’évaluation, qui méconnaît la nature du travail réel, le vide de son contenu de vie, et conduit à l’autodépréciation.
Ce triple questionnement débouchera sur une analyse portant sur la singularité de l’époque actuelle : celle d’une promotion de la mort mise en représentation sous la figure de la vie.
Argumentaire et repères bibliographiques
La souffrance éthique provoquée par l’organisation et les conditions d’exercice actuelles du travail, fait, depuis plusieurs décennies déjà, l’objet d’une attention clinique. Elle diffère du sentiment d’humiliation lié au phénomène de l’exploitation et à l’affirmation toujours plus
brutale des rapports de force au sein de la société, avec la soumission attendue des individus dans le monde du travail et le découragement de ceux qui en sont exclus.
Elle touche, plus profondément, à ce qui relève de la manifestation de la puissance d’exister des individus, au-delà de leur seul pouvoir d’agir et de choisir. Elle peut, en ce sens, être définie comme signe d’une atteinte portée à la praxis vivante en laquelle consiste l’éthique, distincte du seul rapport de l’action à des fins, à des normes ou à des valeurs.
Au-delà du respect contrarié de normes édictées par la conscience morale, la souffrance éthique au travail naît d’une action empêchée de la subjectivité vivante, sacrifiée par l’organisation scientifique du travail sur l’autel de la performance, aujourd’hui soumise au régime intensif d’une activation incessante et poussée à l’extrême des énergies physiques et psychiques de l’individu, au service exclusif de la production.
Repères bibliographiques :
Ouvrages :
- Christophe Dejours, Souffrance en France, Paris, Seuil, 1998.
- Tristan Garcia, La vie intense. Une obsession moderne, Paris, Autrement, 2016.
- Byung-Chul Han, Thanatocapitalisme. Essais et entretiens, Paris, PUF, 2021.
- Michel Henry, La Barbarie, Paris, Grasset, 1987.
- Spinoza, Éthique (1677), Paris, Ivréa, 1993.
Articles :
- Eric Hamraoui, « Management, humanisme et subjectivité : entre analyse du travail et philosophie », revue Rue Descartes (dossier « Philosophie et management », sous la dir. de Ghislain Deslandes), 2017, p. 89-105.
- Sidi Mohammed Barkat, Eric Hamraoui, « Éthique et santé au travail : esquisse d’une remise en perspective ontologique », Revue des sciences sociales, 39, 2008, p. 12-19.
L’intervenant
Éric HAMRAOUI est maître de conférences habilité à diriger les recherches en philosophie au Centre de Recherche sur le Travail et le Développement du Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM). Il l’auteur de plusieurs articles sur la question du courage comprise dans ses rapports avec celles du genre (la critique du courage androcentré) et du travail (le courage lui-même compris comme travail). Il s’intéresse également à la question de la vie au travail.
Informations pratiques et conditions d’entrée
- Inscription par mail uniquement : cafe.sante.travail@gmail.com
- Participation : 10 € / personne || 5 € pour les étudiants, chômeurs et personnes en difficultés financières (cette participation permet à l’association d’organiser ses conférences et débats). Versement en espèces ou par chèque le soir de la conférence.
- Consommation obligatoire à l’entrée du café, sinon nous ne pourrons plus organiser d’évènement dans ce lieu pourtant bien sympathique ! Merci de votre compréhension.
- Lieu : Café Restaurant « Au Vieux Châtelet », 1 place du Châtelet, 75001 Paris.
- Métro Châtelet, lignes 1, 4, 7, 11 et 14.
- RER A, B et D
- Bus 21, 38, 47, 58, 67, 69, 70, 72, 74, 75, 76, 81, 85 et 96.
- Date : mardi 21 mars 2023
- Heure : de 20h à 21h30
La souffrance éthique au travail
Un Café Citoyen Santé Travail organisé pour et avec le réseau de consultations spécialisées Souffrance & Travail
Intervenants
-
Éric HAMRAOUI